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L'EQUATION FEMININE

UN CŒUR SANS AME, UNE AME SANS REPERE

Intriguée, je me suis levée pour regarder par la fenêtre, j'aperçus alors ... Un attroupement d'enfants autour d'une grosse moto.

Non, c'est impossible ! Je crus que le ciel me tombait sur la tête ou que la vie me quittait. Je reconnaitrais cette silhouette entre milles ! Ce cauchemar ne peut plus recommencer. Le cœur battant, je m'enfuis...

Je courus aussi vite et aussi loin que je pouvais. A bout de souffle et en sueurs, je me laissai glisser au sol, non loin d'un feu tricolore. Le soleil était au milieu du ciel, irradiant la terre de ses rayons dans toute sa splendeur.

Le regard perdu dans le vide, je voyais à peine les passants, je n’entendais même plus le bruit de la circulation tant il me semblait qu'une éternité s'était écoulée. Mon corps couvert à peine d’un vieux pagne (qui venait de mon trousseau de mariage) me servait de parasol pour protéger ma peau abimée de la brûlure du soleil.

Je me remémore la fierté dans le regard de ma mère le jour de mon mariage. Sa fille, son unique fille, avait enfin trouvé un homme qui prendrait soin d’elle. Mon père, assis à l’écart sous le baobab avec mes oncles et mon futur époux, riait pour un rien. Il semblait heureux.

Je me demande encore aujourd’hui à quel moment tout a dérapé ? Est-ce le jour où on m’informa de libérer ma case après dix ans de mariage pour ma coépouse qui venait d’arriver ? Ou bien « le péché » de n’avoir jamais tenu un enfant dans mes bras parce que tous mort-nés ? Ou encore le malheur d’avoir suggéré à mon mari une consultation en gynécologie ? Ou encore les viols répétés de mon mari ? Tant de questions sans réponse à m’en faire perdre la raison.

Tout compte fait, mon mari eut « la bonté » de m’attribuer un hangar au fond de la cour et me déchargea de toutes mes obligations d’épouse pour ne pas « me déranger ». Mon cœur saigna tellement ce jour là car je tenais encore à lui. Nos mères ne nous ont-elles pas toujours dit que le mariage n’était pas facile ? « Une femme doit toujours se soumette à son mari, le respecter et surtout lui obéir » nous disaient-elles. J'acceptai tout sans rechigner, submergée de douleurs.

Bref, tout cela me semble lointain. J’étais naïve et ignorante des choses de la vie.

Du paradis, j’atterris en enfer le jour où ma coépouse perdit son fils et le jour suivant, notre voisine, sa nièce. Dans leur douleur ou peut être par jalousie, elles m'accusèrent d'avoir usé de pratiques occultes pour arracher la vie à ces enfants.

J’épuisai tous les recours possibles. Je fus traitée en paria, puis de sorcière par ma famille, en passant par mes frères et mes oncles, jusqu’au chef de village. Je me rendis même à l’église et à la mosquée, mais les responsables craignant pour ma vie ou plutôt pour la leur (au cas où je serai vraiment une sorcière) me conseillèrent de m'éloigner du village en attendant que les choses se calment.

Après 10 ans de mariage et à 24 ans (mariée à 14 ans), excisée en bas âge, violée par son mari, rejetée par tous, je me retrouvai seule, vivant dans la misère et la solitude dans mon propre foyer. J’étais méconnaissable, transformée par le chagrin et la douleur, mon visage avait perdu toute expression.

Finalement, sentant ma vie en danger, je dus fuir mon village, sans savoir où aller ni vers qui me tourner, je me dirigeai vers la grande ville. A l’église de mon village, j’avais entendu dire qu’il y avait là-bas d’autres femmes dans la même situation.

Je me disais qu’avec tout ce monde dans une ville, il y aurait bien quelqu’un, au moins une personne qui me prendrait en pitié, qui m’aiderait ou qui m’écouterait !

Je finis par trouver, après milles périples,  une association qui défendait la cause des femmes victimes d'injustices sociales et qui les aidait à se réinsérer dans la société.

En me remémorant mon périple, en pensant à toutes ces femmes en détresse, je me demandai s'il était possible que le monde soit dans une si grande indifférence. En restant sourd, aveugle, insensible, immobile, inactif, chacun de nous est coupable et complice.

Des lois sont adoptées à travers le monde, des fonds colossaux pour endiguer l'exclusion sociale et améliorer les conditions de la femme, pour finalement quel résultat ?

Me relevant de sol, je me redressai et je pris la résolution de crier jusqu'au tréfonds de la terre pour changer les choses. Je pourrai échouer, être rejetée, tuée, maltraitée mais qu'importe après tout ce que j'ai subi...

Je retournai tranquillement au siège de l'association pour affronter mon mari que j'avais aperçu par la fenêtre.

Une évidence s'imposait à moi, je ne serai plus jamais complice !

 

Source de la photo : http://www.adiac-congo.com/content/violences-conjugales-les-femmes-face-au-poids-des-traditions-27030

 

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